Une « Pré-Nuit de la lecture » dans mon bahut
Si tu es téméraire à tendance maso et légèrement mégalo, cet article devrait te plaire ! Car oui, pour monter une action d’une aussi grande envergure que la « Pré-Nuit de la lecture » avec ses petits bras pas musclés de professeur documentaliste, il faut être une sacrée tête brûlée.
L’idée de la « Pré-Nuit de la lecture » n’est pas née sur les rives du lac Léman lors d’une nuit électrisée par l’orage, mais dans le cadre d’un dossier de MEEF2 Documentation portant sur l’ouverture culturelle. Rédigé à quatre mains avec mon amie, Alexandra Egloff, actuellement TZR dans le bassin de Baccarat (Académie Nancy-Metz), et accompagné de beaucoup de café, ce projet complètement délirant a germé de nos esprits aux environs de décembre 2017 dans la douce ambiance de la bibliothèque des SIC de Nancy.
De travail universitaire à action événementielle réelle, il aura fallu attendre six ans et une pandémie (qui avorta une première tentative). Un temps long, mais nécessaire qui a permis à cette Pré-Nuit de se simplifier, de se décanter et de s’enrichir à travers de nombreux échanges professionnels.
Les étapes du projet
Passé le dossier de base, il m’aura encore fallu quelques étapes de travail afin de rendre concrète cette Pré-nuit.
1° Déterminer le public et (re)définir l’action
La version universitaire de ce projet portait sur le public idéalisé d’un collège. J’ai donc déterminé le profil de mes élèves en matière de lecture. Ici, il s’agit d’un public adolescent présentant peu de difficultés face à la lecture, mais ayant une faible d’appétence pour. Ceci peut s’expliquer par des difficultés d’accès aux acteurs du secteur culturel et du livre (secteur relativement enclavé) et une représentation stéréotypée de ce qu’est « l’acte de lecture » (silencieuse, roman classique, prescrite par l’institution, etc.).
Ainsi, l’objectif de l’action est de promouvoir et de faire découvrir la lecture sous toutes ses formes ; de valoriser ses aspects ludiques en mettant en avant d’autres façons de lire que silencieusement et individuellement. De plus, elle cherche à rendre visible un acteur clé au niveau local qu’est la médiathèque de Fessenheim afin de proposer aux élèves une forme alternative et complémentaire d’ouvrages à ceux proposés par le CDI. Enfin, cette Pré-Nuit ambitionne de sortir du cadre scolaire habituel les élèves en proposant de mélanger les niveaux et les classes.
En résumé, la Pré-Nuit de la lecture a pour but de :
- Décloisonner le rapport entre « lecture scolaire » et « lecture plaisir »,
- Contribuer au climat scolaire et à la cohésion de groupe
- Susciter l’engagement des élèves en les rendant acteurs de cet événement,
- Provoquer une émulation de tous les publics internes et externes à l’établissement.
2° Identifier les partenaires internes et externes à l’EPLE
Ceci est peut-être le point le plus important de ce projet. Il est indispensable d’identifier l’ensemble des acteurs et des structures susceptibles de collaborer.
Dans mon cas, j’ai dans un premier temps sollicité la responsable de la médiathèque de Fessenheim pour estimer la faisabilité de sa participation. Puis, j’en ai parlé à mes collègues de lettres qui avaient déjà eu vent de la thématique de l’édition 2023 et avaient déjà des idées. Enfin, le projet a été présenté aux élèves du CVC.
Si tout s’est bien déroulé, certaines difficultés de mise en œuvre doivent être prises en compte. À l’échelle d’une action touchant l’ensemble des élèves d’un établissement, il peut être complexe de réussir à mobiliser suffisamment d’acteurs, tant de l’équipe éducative que des élèves. C’est pourquoi ce projet nécessite une analyse de faisabilité en plus d’une bonne organisation, afin de respecter les délais de demande de financement et/ou de nouer des partenariats dans de bonnes conditions (médiathèque, compagnies de théâtre…).
3° Établir un budget
Aussi belle puisse être cette action, elle ne peut se faire sans soulever le point épineux du budget, surtout lorsque l’on souhaite faire venir un conteur ou une troupe de théâtre.
Pour ma part, le budget est réduit au plus simple : zéro ! Oui, il est possible de réaliser une gigantesque action culturelle pour zéro euro.
- la médiathèque intervient gratuitement au sein des établissements scolaires de la commune,
- les animateurs sont des élèves volontaires (encadrés par les enseignants qui auraient dû avoir cours lors des créneaux de la Pré-Nuit),
- la matériel utilisé est celui déjà disponible sur place.
4° Concevoir la programmation des ateliers
Les étapes précédentes réalisées, il a été possible d’établir la liste des ateliers que nous pouvions faire.
5° Gérer la logistique
À partir de ce point, j’ai compris que je n’avais encore rien fait … Je vous l’ai dit en introduction de cet article : il faut être un brin téméraire, maso et mégalo.
Il me restait à définir les heures à banaliser, établir le planning de rotation entre les ateliers et répartir les classes dans les deux sessions. Mais aussi à lister les enseignants disponibles et mobilisables pour la surveillance des ateliers animés par des élèves, identifier les salles et les espaces à réquisitionner, rédiger une feuille de route regroupant toutes les informations nécessaires et la diffuser aux acteurs du projet et à ma direction, et faire le point sur le matériel indispensable pour les différents ateliers. Puis distribuer une fiche de vœux à tous les élèves afin de classer les différents ateliers proposés, les traiter et les répartir. Enfin établir les listes d’appels pour chaque atelier, les listings de répartitions des élèves et éditer les invitations élèves avec les ateliers de participation.
Un conseil : ne faites surtout pas comme moi et ne vous dites pas "c'est quoi le vendredi avant la pré-nuit ? c'est vendredi 13 !!! oh, trop cool! On demandera aux élèves de faire leurs vœux à cette date". Mauvaise idée ! Comment dire que ... répartir trois cents gnomes dans 2X3x9 ateliers ne se fait pas en un jour (j'y ai passé mon week-end, sachant que j'ai des compétences de supra-mutant en bureautique qui m'ont grandement aidé).
6° Stresser le jour-J, puis kiffer la life
Oui, oui, oui, j’ai énormément stressé de peur d’avoir oublié un truc (et j’en ai oublié) ou que ceci se passe mal.
Au final, tout s’est très bien déroulé. J’ai pu passer un excellent moment avec les élèves dans l’atelier « Escape-book-toi ! » que j’animais et j’ai découvert que j’adorais faire des annonces au mégaphone.
7° Faire le bilan
Comme je suis vraiment maso, j’ai eu l’idée de faire un questionnaire de satisfaction. Vu que mes études de socio-ethno sont très très loin derrière moi, j’ai fait toutes les bourdes possibles dans la gestion de cette enquête. Toutefois, elle a permis de révéler que la répartition des élèves avait été bien faite et qu’ils avaient pu prendre part aux ateliers voulus ; d’identifier les types d’ateliers appréciés des autres et surtout de constater que cette action avaient eu un impact positif sur les représentations liées à la lecture.
En guise de conclusion, je dirais simplement un immense MERCI à toutes les personnes qui ont pris part à ce projet de dingue.